Évariste de Parny

À Éléonore

Aimer à treize ans, dites-vous,
C’est trop tôt : eh, qu’importe l’âge ?
Avez-vous besoin d’être sage
Pour goûter le plaisir des fous ?
Ne prenez pas pour une affaire
Ce qui n’est qu’un amusement ;
Lorsque vient la saison de plaire,
Le cœur n’est pas longtemps enfant.
 
Au bord d’une onde fugitive,
Reine des buissons d’alentour,
Une rose à demi-captive
S’ouvrait aux rayons d’un beau jour.
Égaré par un goût volage,
Dans ces lieux passe le zéphir
Il l’aperçoit, et du plaisir
Lui propose l’apprentissage ;
Mais en vain : son air ingénu
Ne touche point la fleur cruelle.
De grâce, laissez-moi, dit-elle ;
À peine vous ai-je entrevu.
Je ne fais encor que de naître ;
Revenez ce soir, et peut-être
Serez-vous un peu mieux reçu.
Zéphir s’envole à tire-d’ailes,
Et va se consoler ailleurs ;
Ailleurs, car il en est des fleurs
À peu près comme de nos Belles.
Tandis qu’il fuit, s’élève un vent
Un peu plus fort que d’ordinaire,
Qui de la Rose, en se jouant,
Détache une feuille légère ;
La feuille tombe, et du courant
Elle suit la pente rapide ;
Une autre feuille en fait autant,
Puis trois, puis quatre ; en un moment,
L’effort de l’aquilon perfide
Eut moissonné tous ces appas
Faits pour des Dieux plus délicats,
Si la Rose eut été plus fine.
Le zéphir revint, mais hélas !
Il ne restait plus que l’épine.

Poésies érotiques (1778)

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