Charles Dovalle

Premier chagrin.

Le bassin est uni : sur son onde limpide
Pas un souffle de vent ne soulève une ride ;
Au lever du soleil, chaque flot argenté
Court, par un autre flot sans cesse reflété ;
Il répète ses fleurs, comme un miroir fidèle ;
Mais la pointe des joncs sur la rive a tremblé,
Près du bord, qu’elle rase, a crié l’hirondelle...
         Et l’azur du lac s’est troublé !
 
Au sein du bois humide, où chaque feuille est verte,
Où le gazon touffu boit la rosée en pleurs,
Où l’espoir des beaux jours rit dans toutes les fleurs,
Aux baisers du printemps, la rose s’est ouverte ;
Mais au fond du calice un insecte caché
Vit, déchirant la fleur de sa dent acérée,
Et la rose languit, pâle et décolorée,
         Sur son calice desséché !
 
Un passé tout rempli de chastes jouissances,
Des baisers maternels, du calme dans le port ;
Un présent embelli de vagues espérances
Et de frais souvenirs... amis, voilà mon sort !
L’avenir n’a pour moi qu’un gracieux sourire ;
J’ai dix-huit ans ! mon âge est presque le bonheur...
Je devrais être heureux... non ! mon âme désire
         Et j’ai du chagrin dans le cœur !

Poésies de feu (1830)

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