C’était un soir que tout brillait de feux ;
Un soir qu’éclatant de lumières,
Tivoli lassait les paupières
De mille curieux.
Là, des bosquets blanchis ; là, des masses plus sombres ;
Des soleils de cristal, des jours brusques, des ombres
Qui s’allongent sur le gazon ;
Aux branches des ormeaux des lampes suspendues ;
Des nacelles dans l’air ; d’innombrables statues
Et des chœurs qui dansent en rond !
Ô jardins enchantés ! scènes éblouissantes !
Brises du soir ! zéphirs ! haleines caressantes !
Air brûlant, imprégné de désirs et d’amour !
Femmes, qu’on suit de l’œil de détour en détour !
Tumulte ! bals confus, aux amants si propices !
Tourbillon entraînant ! Tivoli !...—Quand mon cœur,
Froissé par le dégoût, mais ardent au bonheur,
Voudra du souvenir savourer les délices,
J’irai sous tes arceaux, à la place où brilla,
Comme un astre d’argent, comme un blanc météore,
Comme un premier éclat d’une naissante aurore,
Cette belle inconnue... Et je dirai : « C’est là ! »
C’est là qu’elle s’assit, rêveuse
Et fermant ses yeux à demi :
Là qu’elle demeura, pâle et silencieuse,
Près d’un vieil époux endormi.
Malheureuse peut-être au sein de la richesse !
Malheureuse peut-être avec tant de jeunesse !...
Comme elle était belle, grand Dieu !
Et je l’oublierais, moi !... j’oublierais sa tristesse
Et son regard qui semblait un adieu !...
Non !... non, jamais !—Un jour, dans les fêtes bruyantes,
De plaisir, de beauté, des femmes rayonnantes,
Pourront étaler à mes yeux
De leurs dix-huit printemps les grâces orgueilleuses,
Et tracer, en riant, dans leurs danses joyeuses,
Des pas voluptueux.
Quand je verrai leurs rangs s’ouvrir à mon passage,
Quand j’aurai vu rougir leur gracieux visage,
Peut-être alors mon cœur palpitera ;
A mes regards une autre sera belle :
Mais je dirai : Ce n’est pas elle...
Et mon bonheur s’envolera.