À J. Keck.
Ma belle amie est morte,
Et voilà qu’on la porte
En terre, ce matin,
En souliers de satin.
Elle dort toute blanche,
En robe de dimanche,
Dans son cercueil ouvert
Malgré le vent d’hiver.
Creuse, fossoyeur, creuse
À ma belle amoureuse
Un tombeau bien profond,
Avec ma place au fond.
Avant que la nuit tombe
Ne ferme pas la tombe ;
Car elle m’avait dit
De venir cette nuit,
De venir dans sa chambre :
« Par ces nuits de décembre,
Seule, en mon lit étroit,
Sans toi, j’ai toujours froid. »
*
Mais, par une aube grise,
Son frère l’a surprise
Nue et sur mes genoux.
Il m’a dit : « Battons-nous.
Que je te tue. Ensuite
Je tuerai la petite. »
C’est moi qui, m’en gardant,
L’ai tué, cependant.
Sa peine fut si forte
Qu’hier elle en est morte.
Mais, comme elle m’a dit,
Elle m’attend au lit.
*
Au lit que tu sais faire,
Fossoyeur, dans la terre.
Et, dans ce lit étroit,
Seule, elle aurait trop froid.
J’irai coucher près d’elle,
Comme un amant fidèle,
Pendant toute la nuit
Qui jamais ne finit.