Partez, puisqu’un départ est nécessaire encore,
Puisque la guérison, que notre France ignore,
Vous rappelle en Bohême au murmure d’une eau ;
Partez, et qu’en chemin la poussière embrasée
Sur votre front pâli s’adoucisse en rosée !
Que le jour ait moins de fardeau !
Que les feux du soleil, et son char qui fermente,
Rentrent sous le nuage à l’heure trop fumante !
Que votre char, à vous, n’ait secousses ni bruits ;
Qu’il glisse en de longs rangs de tilleuls et de saules,
Comme un doux palanquin porté sur des épaules,
À la clarté des tièdes nuits !
Qu’au côté douloureux nul coup ne retentisse !
Et qu’à peine arrivée à cette onde propice,
À l’urne qui bouillonne au pied des rameaux verts,
Chaque Ilot double en vous ses vertus souveraines,
Ramène la fraîcheur et la paix dans les veines,
Et fonde tous graviers amers !
Partez, et que les Dieux se mêlent au voyage,
Celui du bon sourire et du parfait langage,
Et celui de la grâce et du noble maintien.
Et celui des beaux noms, qui, jeune et séculaire,
Conserve si léger, aux mains faites pour plaire,
Le sceptre qui ne blesse rien !
Non,—que le Dieu vivant, le seul qui vous connaisse,
Celui de la famille et des amis qu’on laisse,
Vous protège et vous garde, et vous rende aux souhaits !
Au Thil, dans votre allée où pleure le feuillage,
La porte close attend, par où, vers le village,
Vous vous échappiez aux bienfaits !
Près de vous à la ville, et quand un soin fidèle
A, dès l’aube, aux devoirs partagé votre zèle,
Aux heures des loisirs et des riants discours,
On s’assied, et d’amis une élite choisie
Prolonge, recommence honneur et courtoisie,
Et ce charme, parfum des jours.
Ceux qui, se rencontrant dans cet aimable empire,
Se sont, pour tout lien, vus à votre sourire,
Si plus tard dans la vie ils se croisent encor,
Soudain la bienveillance a rapproché leur âme,
Car leurs destins divers et d’inégale trame
Ont touché le même anneau d’or.