Arthur Rimbaud

Mouvement

Le mouvement de lacet sur la berge des chutes du fleuve,
Le gouffre à l’étambot,
La célérité de la rampe,
L’énorme passade du courant,
Mènent par les lumières inouïes
Et la nouveauté chimique
Les voyageurs entourés des trombes du val
Et du strom.
 
Ce sont les conquérants du monde
Cherchant la fortune chimique personnelle ;
Le sport et le confort voyagent avec eux ;
Ils emmènent l’éducation
Des races, des classes et des bêtes, sur ce vaisseau.
Repos et vertige
A la lumière diluvienne,
Aux terribles soirs d’étude.
 
Car de la causerie parmi les appareils, le sang, les fleurs, le feu, les bijoux,
Des comptes agités à ce bord fuyard,
—On voit, roulant comme une digue au—delà de la route hydraulique motrice,
Monstrueux, s’éclairant sans fin,– leur stock d’études ;
Eux chassés dans l’extase harmonique,
Et l’héroïsme de la découverte.
Aux accidents atmosphériques les plus surprenants,
Un couple de jeunesse s’isole sur l’arche,
—Est—ce ancienne sauvagerie qu’on pardonne ? -
Et chante et se poste.

"Les Illuminations (1886)"

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