Antoine-Vincent Arnault

Actéon

                     Fable III, Livre I.
 
 
D’Actéon, mes amis, vous savez l’aventure ;
Vous savez qu’un peu cher il paya des transports
Où la seule Diane a pu voir une injure.
Aux mots qu’en son courroux cette prude murmure,
Sans trop cacher pourtant ses pudiques trésors,
           Notre indiscret, d’un cerf DIX cors
           À tout à coup pris l’encolure.
Un pied fourchu s’ajuste à sa jambe, à son bras ;
Ses cheveux en rameaux se dressent sur sa tête ;
Jusqu’au bout de son nez qui s’allonge, un poil rat
           Court habiller notre homme en bête.
           Peu content de voir sur son front
           Ce qui paraît moins sur le nôtre,
Le nouveau quadrupède à décamper fut prompt.
Mais, hélas ! un malheur vient-il jamais sans l’autre ?
           Ses bassets, un peu trop ardents,
Et, comme nous, enclins à juger sur la mine,
Le suivent en jappant dans la forêt voisine,
Où, tout en pleurs, bientôt il périt sous leurs dents.
Aucun d’eux cependant n’était ingrat ou traître,
           Aucun du moins ne croyait l’être,
Lorsque dans son sang même ils se désaltéraient ;
           Ce n’était pas leur pauvre maître,
           C’était un cerf qu’ils déchiraient.
Vous qui d’écrire avez l’audace ou la faiblesse,
Si haut que soit le rang où vous plaça le sort,
Au destin d’Actéon résignez-vous d’abord,
Et surtout oubliez vos titres de noblesse.
Bien qu’au pied du Parnasse il soit plus d’un flatteur
La critique et sa meute y fixent leur retraite :
           Quand vous vous donnez pour auteur,
           En auteur souffrez qu’on vous traite.

Fables, Livre I (1812)

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