Au fond de la chambre élégante
Que parfuma son frôlement,
Seule, immobile, elle dégante
Ses longues mains, indolemment.
Les globes chauds et mâts des lampes
Qui luisent dans l’obscurité,
Sur son front lisse et sur ses tempes
Versent une douce clarté.
Le torrent de sa chevelure,
Où l’eau des diamants reluit,
Roule sur sa pâle encolure
Et va se perdre dans la nuit.
Et ses épaules sortent nues
Du noir corsage de velours,
Comme la lune sort des nues
Par les soirs orageux et lourds.
Elle croise devant la glace,
Avec un tranquille plaisir,
Ses bras blancs que l’or fin enlace
Et qui ne voudraient plus s’ouvrir,
Car il lui suffit d’être belle :
Ses yeux, comme ceux d’un portrait,
Ont une fixité cruelle,
Pleine de calme et de secret ;
Son miroir semble une peinture
Que quelque vieux maître amoureux
Offrit à la race future,
Claire sur un fond ténébreux,
Tant la beauté qui s’y reflète
A d’orgueil et d’apaisement,
Tant la somptueuse toilette
Endort ses plis docilement,
Et tant cette forme savante
Paraît d’elle-même aspirer
A l’immobilité vivante
Des choses qui doivent durer.
Pendant que cette créature,
Rebelle aux destins familiers,
Divinise ainsi la Nature
De sa chair et de ses colliers,
Le miroir lui montre, dans l’ombre,
Son amant doucement venu,
Au bord de la portière sombre,
Offrir son visage connu.
Elle se retourne sereine,
Dans l’amas oblique des plis,
Qu’en soulevant la lourde traîne
Son talon disperse, assouplis,
Darde, sans pitié, sans colère,
La clarté de ses grands yeux las,
Et, d’une voix égale et claire,
Dit : “ Non ! je ne vous aime pas. ”