Amable Tastu

Windsor

Vieux château de Windsor, dont les pierres gothiques
Éveillent d’Albion les harpes romantiques,
Livre au barde étranger quelque grand souvenir,
Qu’il puisse avec ses chants léguer à l’avenir.
Naguère j’ai cru voir, sous tes portiques sombres,
De tes hôtes royaux errer les nobles ombres,
Et tout bas j’évoquais les noms des anciens rois,
Espérant qu’un d’entre eux répondrait à ma voix.
C’était d’un jour serein la fraîche matinée,
Mai de ses dons riants parait la jeune année ;
A l’appel des parfums dans les airs répandus,
L’abeille reprenait ses travaux suspendus ;
La brise printanière agitait les feuillages,
Sur la face du ciel chassait de blancs nuages,
Glissait sur les gazons, sifflait dans les détours
Des murs irréguliers et des massives tours,
Et, caressant l’orgueil de leurs têtes altières,
Faisait flotter au loin les royales bannières.
Le luxe du printemps, la verdure des cours,
Où la mousse a jeté ses tapis de velours,
Le petit cri joyeux de la vive hirondelle,
Des palais délaissés habitante fidèle,
Ni ce soleil brillant, précurseur de l’été,
N’égayaient de ces lieux la vieille majesté.
Errants dans le palais dont Albion s’honore,
Mes pas retentissaient sous la voûte sonore ;
Ce bruit, que prolongeait l’arceau silencieux,
Semblait d’un temple saint l’écho religieux ;
Mes yeux rapidement glissaient sur les images
Qui rendent aux Bretons leurs guerriers et leurs sages ;
Par quel charme nouveau tout-à-coup arrêtés ?...
Oui, voilà cet essaim de riantes beautés,
Dont la grâce, à la fois lascive et fastueuse,
Ornait de Charles Deux la cour voluptueuse !
Ces yeux demi-voilés, ces longs cheveux flottants,
Ne purent désarmer ni la mort, ni le temps ;
Et, comme l’ouragan qui ravage un parterre,
Leur vol a moissonné ces fleurs de l’Angleterre.

Poésies (1826)

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