Alphonse de Lamartine

La branche d’amandier

De l’amandier tige fleurie,
Symbole, hélas ! de la beauté,
Comme toi, la fleur de la vie
Fleurit et tombe avant l’été.
 
Qu’on la néglige ou qu’on la cueille,
De nos fronts, des mains de l’Amour,
Elle s’échappe feuille à feuille,
Comme nos plaisirs jour à jour !
 
Savourons ces courtes délices ;
Disputons-les même au zéphyr,
Epuisons les riants calices
De ces parfums qui vont mourir.
 
Souvent la beauté fugitive
Ressemble à la fleur du matin,
Qui, du front glacé du convive,
Tombe avant l’heure du festin.
 
Un jour tombe, un autre se lève ;
Le printemps va s’évanouir ;
Chaque fleur que le vent enlève
Nous dit : Hâtez-vous de jouir.
 
Et, puisqu’il faut qu’elles périssent,
Qu’elles périssent sans retour !
Que ces roses ne se flétrissent
Que sous les lèvres de l’amour !

Nouvelles méditations poétiques (1823)

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