Alphonse Beauregard

Le val.

Je connais, dans les Apalaches,
Un val séduisant qui se cache
     Comme un rêve ingénu ;
Un val aux pentes fantaisistes
Où se promène, dans les schistes,
     Un ruisseau bienvenu.
 
Quand, brusquement, on le découvre
C’est un avenir clair qui s’ouvre,
     Un sourire enjôleur
À quoi l’âme n’était pas prête,
On subit le charme, on s’arrête
     À l’offre de bonheur.
 
Ici qu’il serait doux de vivre !
On s’imagine avec un livre,
     Assis sous un pommier.
On a maison, femme et bagage...
Mais on pense au but du voyage,
     Aux tracas coutumiers.
 
Les yeux ravis on part, on gagne
Le grand chemin ou la montagne ;
     Au val on dit adieu,
Plein du pressentiment morose
D’abandonner, parce qu’on n’ose,
     Un destin radieux.

Les alternances (1921)

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