Alphonse Beauregard

Le dernier dieu.

Or, le sage, parti dès son adolescence
Pour juger les flambeaux qui le devaient guider,
Savait à quel néant marche la connaissance
Et confondait la vérité d’une croyance
Avec l’or, qui vaudra ce qu’on a décidé.
 
Les dieux que la pensée humaine, en son ornière,
Conçut et projeta dans le calme irréel,
Les dieux dont elle attend un rayon de lumière
Quand la souffrance abat l’orgueil sous sa lanière,
Le sage mesurait, en passant, leur autel.
 
Et quand il arriva devant le but candide
Il lui dit : « Tu n’es rien qu’un réflexe, ô Bonheur.
Un festin répété sans cesse est insipide ;
Sans le malheur comment naîtras-tu dans le vide ?
On t’espère constant par un besoin d’erreur. »
 
Des suppliques montaient qui le faisaient sourire.
Il s’assit en songeant au chemin parcouru
Et se dit : « L’air est pur, enfin, que je respire
Depuis que j’ai chassé ces dieux nés d’un délire. »
 
     Et le sage adora sa pensée et mourut.

Les alternances (1921)

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