Alphonse Beauregard

Blancheur.

C’est la neige tourbillonnante
Qui voltige dans l’air, mousseline vivante,
La neige qui s’arma, dans l’extase du froid,
D’une beauté trop loin de la vie et traîtresse.
La neige pleine de caresses,
Si douce au pas quand elle choit.
 
Ceux-là dont le sang bout dans les veines, les forts,
Devant la blancheur qui s’amasse
Songent aux glissements rapides sur la glace,
Aux rudes chasses dans le nord,
Aux descentes vertigineuses dans les côtes.
Pour eux l’hiver se fait le plus charmant des hôtes.
 
Dans l’hiver détesté, les faibles, les vaincus
Sentiront des couteaux s’incruster dans leurs membres.
Il y aura d’atroces chambres
Où pâtiront des enfants nus.
Des gorges râleront le malheur des poitrines,
La fièvre écrasera les débiles échines.
 
La neige omniprésente impose sa splendeur
À l’infini des champs, aux bois dominateurs.
Dans les chemins comblés, marqués par les seuls arbres,
Où court la poudrerie en nuages sifflants,
On trouvera demain des cadavres de marbre.
 
Mais que les corbillards seront beaux dans ce blanc !

Les alternances (1921)

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