Albert Mérat

Ton cœur

Voulant me croire aimé, vainqueur
De mon âme triste et chagrine,
Un jour que j’écoutais ton cœur
Sous la rondeur de ta poitrine ;
 
Loin que ton cœur, oiseau charmant,
Semblât bondir à ma rencontre,
C’était un petit battement
Nerveux comme un tic-tac de montre.
 
Régulier, impassible, froid,
Ton cœur laissait couler sa dose
De sang pur, qui montait tout droit
A ta tête légère et rose.
 
J’eus peur un moment : j’avais cru.
Troublé de mon amour, entendre
Comme un flot trop vite accouru
Sur une fibre fine et tendre.
 
Ce n’était rien ; c’était la peur,
C’était peut-être mon cœur même ;
Car, tu sais, tout nous est trompeur
Et douloureux, lorsque l’on aime.
 
Tranquillement ton sang coulait :
Et malgré cela, dans un charme,
Ce bruit glacial me semblait
Tomber ému comme une larme.

Le livre de l’amie (1866)

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