Albert Mérat

Tes yeux

J’ai regardé longtemps tes yeux, voulant rêver.
J’ai regardé longtemps tes yeux, voulant trouver
Dans l’azur délicat dont leur moire est tissée
Le rêve qui repose et berce la pensée.
J’ai regardé tes yeux pour y chercher la paix.
 
Tandis que sous le brun rideau des cils épais
Tes yeux profonds et bleus souriaient immobiles.
Ils rêvaient, et le soir dilatait leurs pupilles,
Sans que, dans son éclat tempéré de langueur,
La prunelle semblât perdre de sa largeur.
 
Tes grands yeux retenaient la clarté fugitive :
La lumière reçue en jaillissait plus vive.
Le blanc pâle et teinté d’un azur innocent
Faisait un cadre mat au globe éblouissant.
Tes yeux aimés jetaient des lumières dans l’ombre.
 
Ton radieux regard croisant mon regard sombre,
J’ai surpris dans ce ciel incomparable et beau
L’âme qui, palpitante, est là comme un flambeau
Pour éclairer la nuit étrange de ma vie ;
Et je tremblais de joie, et je portais envie
A ce que ton regard touchait sans le vouloir.
 
J’ai noté dans tes yeux la musique du soir :
Et mon cœur y trouvait l’indécise harmonie
D’une strophe d’amour adorable, infinie.

Le livre de l’amie (1866)

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