Albert Mérat

Les fleurs de pommiers

Les champs sont comme des damiers
Teintés partout du blé qui lève.
Avril a mis sur les pommiers
Sa broderie exquise et brève.
 
Avant que les soleils brutaux
Aient fait jaunir l’herbe et la branche,
C’est la gloire de nos coteaux
D’avoir cette couronne blanche.
 
Malgré les feuillages légers,
Les jardins sont tout nus encore,
Mais les fleurs couvrent les vergers
Qui rayonnent comme une aurore.
 
La campagne gaie est vraiment
Belle et divinement coiffée ;
Les pommiers ont un air charmant
Avec leur tête ébouriffée.
 
Une étoile blanche est leur fleur
Qu’Avril peut brûler d’une haleine.
Le Chinois en peint la pâleur
Sur les tasses de porcelaine.
 
Elle n’a pas d’odeur ; elle est
Délicate, charnue et grasse ;
Blanche et mate comme le lait,
Aussi légère que la grâce.
 
Elle semble s’enorgueillir
Du fragile trésor du germe.
Il faut la voir sans la cueillir
A cause du fruit qu’elle enferme.
 
Cependant sur le front aimé
Qui s’éclaire de l’embellie,
Pas une seule fleur de mai
N’est, à vrai dire, aussi jolie.
 
J’ai là, tout au fond de mon cœur
Un souvenir de matinée :
Des fleurs prises d’un doigt moqueur...
Mais je ne sais plus quelle année !

Le Parnasse contemporain, III (1876)

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