Albert Mérat

Le soir

Le soir charmant qui fait rêver toutes les choses
Tombe dans les vallons du haut des Alpes roses.
Le ciel, rouge au couchant, à l’orient est bleu.
Comme les cordes d’or d’une lyre de feu,
Les rayons du soleil oblique qui s’efface
Semblent devant nos yeux frissonner dans l’espace,
Et, sous des doigts cachés, conduire le concert
Qui remplit le grand bois harmonieux et vert ;
Car toute plainte expire et toute voix méchante
Se tait, lorsque le soir mélancolique chante.
 
L’auberge n’est pas loin. Courage ! levons-nous.
La fatigue fut rude, et le lit sera doux !
Allons, voici le gîte et le bout de la route
Que l’on souhaite avec transport, et dont on doute,
Et qu’on gagne en tirant le pied comme un blessé.
Voici l’hôtel ainsi qu’un rêve caressé ;
Les guides conduisant leur bête à l’écurie,
Notre hôte, souriant et la mine fleurie ;
Et, cherchant affamés la table du festin,
Des amis que l’on a rencontrés le matin.

Les tableaux de voyage (1865)

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