Albert Mérat

La montée

Sur l’Alpe étincelante et haute
Le soleil tombe et se répand.
Le chemin enlace à mi-côte
La montagne comme un serpent.
 
Ainsi que dans une revue
S’avancent de vieux grenadiers,
Ligne immobile qui remue,
Défilent les grands peupliers.
 
Le roc pelé qu’un troupeau broute
Se déroule sans se presser ;
On dirait parfois que la route
Ne va pas savoir où passer.
 
L’horizon crénelé demeure
Solide et droit comme une tour,
Laissant faire au ciel qui l’effleure,
Morne aux séductions du jour.
 
Et tandis que vers les frontières,
A cause des plis du rocher,
Il semble, le long des rizières,
Que l’on marche sans approcher ;
 
Voici que l’on quitte la grâce
Du doux climat italien.
Deux postes veillent face à face,
Et savent qu’ils se valent-bien.
 
C’est la Suisse et c’est l’Italie ;
Et, sous l’éclat d’un ciel pareil,
Le vent qui s’élève déplie
Deux drapeaux libres au soleil.

Les tableaux de voyage (1865)

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