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Aimé Césaire

Les Oubliettes de la Mer et du Déluge

Jour ô jour de
New
York et de la
Soukala
 
je me recommande à vous
 
à vous qui ne serez plus l’absurde jeu du sphinx à tête de mort et de l’eczéma rebelle
 
et le jour très simplement le jour
 
enlève ses gants
 
ses gants de vent bleu de lait cru de sel fort
 
ses gants de repos d’œuf de squale et d’incendie de paille noire
 
sécheresse
 
sécheresse
 
vous ne pourrez rien contre mes glandes aquifères
 
le ballet chimique des terres rares
 
la poudre des yeux finement piles sous le bâton
 
les mouettes immobilement têtues des fuseaux et de l’eau
 
font l’inaltérable alliage de mon sommeil sans heure
 
sans heure autre que l’inapaisement de geyser de l’arbre du silence
 
sans heure autre que la catastrophe fraternelle aux cheveux d’hippocampe et de campêche
 
sans heure autre que mes yeux de sisal et de toile d’araignée
 
mes yeux de clef de monde et de bris de journée
 
oh prendre la fièvre montée sur 300 000 lucioles
 
sans heure autre que les couteaux de jet du soleil lancés à toute volée
 
autour de l’encolure des climats
 
sans heure autre que les oiseaux qui picorent les biefs du ciel pour apaiser leur soif-de-dormir-dans-le-déluge
 
sans heure autre que l’inconsolable oiseau sang qui d’attendre s’allume dans l’agriculture de tes yeux à défaire le beau temps
 
sans heure autre que la voix fabuleuse des forêts qui gonflent subitement leur voilure dans les radoubs du marais et du coke
 
sans heure autre que l’étiage des lunaisons dans la cervelle comptable des peuples nourris d’insultes et de millénaires
 
sans heure autre oh ! sans heure autre que ton flegme taureau 53
 
incorruptible
 
qui jamais ne neige d’appel plus salubre et mortel
 
que quand s’éveille des ruisseaux de mon écorce
 
épi et neuvaine du désastre (le vrai)
 
la femme
 
qui sur ses lèvres à boire berce le palanquin des oubliettes
 
de la mer

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