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Aimé Césaire

C’est Moi-Même, Terreur, C’est Moi-Même

Les rêves échoués desséchés font au ras de la gueule des
 
rivières
 
de formidables tas d’ossements muets
 
les espoirs trop rapides rampent scrupuleusement
 
en serpents apprivoisés
 
on ne part pas on ne part jamais
 
pour ma part en île je me suis arrêté fidèle
 
debout comme le prêtre
Jehan un peu de biais sur la mer
 
et sculpté au niveau du museau des vagues et de la fiente
 
des oiseaux
 
choses choses c’est à vous que je donne
 
ma folle face de violence déchirée dans les profondeurs
 
du tourbillon
 
ma face tendre d’anses fragiles où tiédissent les lymphes
 
c’est moi-même
Terreur c’est moi-même
 
le frère de ce volcan qui certain sans mot dire
 
rumine un je ne sais quoi de sûr
 
et le passage aussi pour les oiseaux du vent
 
qui s’arrêtent souvent s’endormir une saison
 
c’est toi-même douceur c’est toi-même
 
traversé de l’épée éternelle
 
et tout le jour avançant
 
marqué du fer rouge de choses sombrées
 
et du soleil remémoré
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