Victor Hugo

Querelles du sérail

Ciel ! après tes splendeurs, qui rayonnaient naguères,
Liberté sainte ; après toutes ces grandes guerres,
             Tourbillon inouï ;
Après ce Marengo qui brille sur la carte,
Et qui ferait lâcher le premier Bonaparte
             À Tacite ébloui ;
 
Après ces messidors, ces prairials, ces frimaires,
Et tant de préjugés, d’hydres et de chimères,
             Terrassés à jamais ;
Après le sceptre en cendre et la Bastille en poudre,
Le trône en flamme ; après tous ces grands coups de foudre
             Sur tous ces grands sommets :
 
Après tous ces géants, après tous ces colosses,
S’acharnant malgré Dieu, comme d’ardents molosses,
             Quand Dieu disait : va-t’en !
Après ton océan, République française,
Où nos pères ont vu passer Quatre-vingt-treize
             Comme Léviathan ;
 
Après Danton, Saint-Just et Mirabeau, ces hommes,
Ces titans, aujourd’hui cette France où nous sommes
             Contemple l’embryon,
L’infiniment petit, monstrueux et féroce,
Et, dans la goutte d’eau, les guerres du volvoce
             Contre le vibrion !
 
Honte ! France, aujourd’hui, voici ta grande affaire :
Savoir si c’est Maupas ou Morny qu’on préfère,
             Là-haut, dans le palais ;
Tous deux ont sauvé l’ordre et sauvé les familles ;
Lequel l’emportera ? l’un a pour lui les filles,
             Et l’autre, les valets.
 
Bruxelles, janvier 1852.

Les châtiments (1853)

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