Loin du méchant qui sut lui plaire
Ismène goûtait le repos :
Elle avait retrouvé sa mère ;
Elle avait oublié ses maux.
Tandis qu’au fond d’un bosquet sombre
Un soir elle dormait en paix,
Son ingrat la cherchait dans l’ombre :
Les méchants ne dorment jamais.
D’Ismène désormais paisible
Il regrettait le doux penchant ;
Mais, aussi fière que sensible,
Elle fit rougir le méchant.
Ô Ta voix, dit-elle, en vain m’implore.
Ah ! Fuis ce tranquille séjour.
Que peux-tu m’arracher encore ?
N’ai-je pas perdu mon amour ?
Ô Jadis d’un perfide langage
Mon cœur excusa les détours.
Je t’aimai jaloux et volage ;
Las ! Je voulais t’aimer toujours.
Mais tu t’es plu dans ton délire
A voir gémir l’amour en deuil.
Regrette moins ce triste empire ;
Il ne flattait que ton orgueil.
Aujourd’hui tes vœux, ton audace,
Tes cris, tes pleurs, sont superflus :
Quand c’est le mépris qui le chasse,
L’amour, hélas ! Ne renaît plus.
D’un cœur peu fait pour la contrainte
N’attends pas un lâche retour ;
Tu ne devras point à la crainte
Ce qui n’appartient qu’à l’amour. »
Ainsi parlait la jeune Ismène ;
Et je la vis quitter ces lieux.
Du méchant, en gagnant la plaine,
Ismène détournait les yeux.
Jeunes beautés, plaignez sa peine :
Peut-être, hélas ! Peut-être un jour
Aurez-vous, aussi bien qu’Ismène,
Le malheur d’accuser l’amour.