Sully Prudhomme

Le dernier adieu

Quand l’être cher vient d’expirer,
On sent obscurément la perte,
On ne peut pas encor pleurer :
La mort présente déconcerte ;
 
Et ni le lugubre drap noir,
Ni le Dies irae farouche,
Ne donnent forme au désespoir :
La stupeur clôt l’âme et la bouche.
 
Incrédule à son propre deuil,
On regarde au fond de la tombe,
Sans rien comprendre à ce cercueil
Sonnant sous la terre qui tombe.
 
C’est aux premiers regards portés,
En famille, autour de la table,
Sur les sièges plus écartés,
Que se fait l’adieu véritable.

Les solitudes (1869)

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