Ô laveuse aux mignardes poses,
Qui sur ta lèvre où rit ton cœur
As le sang embaumé des roses
Au pied d’enfants, à l’œil moqueur.
Sais-tu, vrai Dieu ! que ta grand’mère
T’aurait dû faire pour la cour
Au temps où refleurit Cythère
Sous un regard de Pompadour ?
Lors, de leur perruque frisée
Semant les frimas en leurs jeux,
Roses, l’aile fleurdelisée,
Amours givrés et Ris neigeux
Au grand jardin des bergeries
T’emmenaient, près d’un vieux dauphin
Qui pleure à flots des pierreries
L’été, sur ses glaïeuls d’or fin.
Et ces larrons, ô larronnesse
Des traits, du carquois et de l’arc,
Te sacraient danseuse ou faunesse
Et vous perdaient, madame, au parc.
Là, pour feindre des pleurs candides
Secouant, quand passe Mondor,
Ton bouquet de roses humides
Sur ton livre aux écussons d’or,
Ou, pour qu’on sache que sa plume
A moins de neige que ta main,
D’un éventail baigné d’écume
Agaçant le cygne câlin,
Derrière ta robe insolente,
Drap d’argent et nœuds de lilas,
Tu traînerais la gent galante
Des vieux quêteurs de falbalas.
Tel fat, fredonnant Gluck, se pâme
Et cherche un poulet à glisser :
Tel roué, s’il se savait une âme
La damnerait pour te baiser.
Tu serais, sans compter leurs proses,
En des madrigaux printaniers,
Chloé, bergère à talons roses,
Diane, ou Cypris en panier.
Musqués, chiffonnant les rosettes
De leur épée en satin blanc
Et l’échine en deux, les poètes
Te demanderaient, roucoulant,
Si ta bouche en cœur fut cueillie
Sur les framboisiers savoureux,
Dans quel bois rêve ensevelie
La pervenche où tu pris tes yeux ?
Ô jours dorés des péronnelles,
Des Dieux, des balcons enjambés,
Du fard, des mouches, des dentelles
Des petits chiens, et des abbés !
Boucher jusqu’aux seins t’eût noyée
Dans l’argent du cygne onduleux,
Cachant sous l’aile déployée
Ton ris de pourpre et tes yeux bleus.
Après Léda, blonde Eve nue,
Un évêque aux parcs enjôleurs
Aurait vu blanchir ta statue
Sous ses grands marronniers en fleurs.
Tandis qu’en ce siècle barbare,
Sans songer que ton corps si beau
Pût s’épanouir en carrare,
À genoux et les bras dans l’eau
Tu ris au soleil du rivage
Qui d’un traître rayon brunit
Ta gorge entr’ouvrant son corsage
Comme un ramier sort de son nid.