Pierre Reverdy

Les vides du printemps

En passant une seule fois devant ce trou j’ai penché
 
mon front
Qui est là
 
Quel chemin est venu finir à cet endroit
Quelle vie arrêtée
Que je ne connais pas
 
Au coin les arbres tremblent
 
Le vent timide passe
 
L’eau se ride sans bruit
 
Et quelqu’un vient le long du mur
 
On le poursuit
 
 
J’ai couru comme un fou et je me suis perdu
 
Les rues désertes tournent
 
Les maisons sont fermées
 
Je ne peux plus sortir
 
Et personne pourtant ne m’avait enfermé
 
J’ai passé des ponts et des couloirs
Sur les quais la poussière m’aveugla
Plus loin le silence trop grand me fit peur
 
 
Et bientôt je cherchais à qui je pourrais demander mon chemin
 
On riait
 
Mais personne ne voulait comprendre mon malheur
 
Peu à peu je m’habituais ainsi à marcher seul
Sans savoir où j’allais
 
Ne voulant pas savoir
 
Et quand je me trompais
 
Un chemin plus nouveau devant moi s’éclairait
 
Puis le trou s’est rouvert
Toujours le même
Toujours aussi transparent
Et toujours aussi clair
 
Autrefois j’avais regardé ce miroir vide et n’y avais
 
rien vu
Du visage oublié à présent reconnu
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