T’oseroit bien quelque poète
Nyer des vers, douce alouette ?
Quant à moy je ne l’oserois,
Je veux celebrer ton ramage
Sur tous oyseaus qui sont en cage,
Et sur tous ceus qui sont es bois.
Qu’il te fait bon ouyr ! à l’heure
Que le bouvier les champs labeure
Quand la terre le printems sent,
Qui plus de ta chanson est gaye,
Que couroussée de la playe
Du soc, qui l’estomac lui fend.
Si tost que tu es arrosée
Au point du jour, de la rosée,
Tu fais en l’air mile discours
En l’air des ailes tu fretilles,
Et pendue au ciel, tu babilles,
Et contes aus vens tes amours.
Puis du ciel tu te laisses fondre
Dans un sillon vert, soit pour pondre,
Soit pour esclorre, ou pour couver,
Soit pour aporter la bechée
A tes petis, ou d’une Achée
Ou d’une chenille, ou d’un ver.
Lors moi couché dessus l’herbette
D’une part j’oy ta chansonnette ;
De l’autre, sus du poliot,
A l’abry de quelque fougere
J’ecoute la jeune bergere
Qui degoise son lerelot.
Puis je di, tu es bien-heureuse,
Gentille Alouette amoureuse,
Qui n’as peur ny soucy de riens,
Qui jamais au coeur n’as sentie
Les dedains d’une fiere amie,
Ny le soin d’amasser des biens.
Ou si quelque souci te touche,
C’est, lors que le Soleil se couche,
De dormir, et de reveiller
De tes chansons avec l’Aurore
Et bergers et passans encore,
Pour les envoyer travailler.
Mais je vis toujours en tristesse,
Pour les fiertez d’une maistresse
Qui paye ma foi de travaus,
Et d’une plesante mensonge,
Qui jour et nuit tous-jours alonge
La longue trame de mes maus.