Paul Verlaine

Ballade Sappho

Ma douce main de maîtresse et d’amant
Passe et rit sur ta chère chair en fête,
Rit et jouit de ton jouissement.
Pour la servir tu sais bien qu’elle est faite,
Et ton beau corps faut que je le dévête
Pour l’enivrer sans fin d’un art nouveau
Toujours dans la caresse toujours prête.
Je suis pareil à la grande Sappho.
 
Laisse ma tête errant et s’abîmant
À l’aventure, un peu farouche, en quête
D’ombre et d’odeur et d’un travail charmant
Vers les saveurs de ta gloire secrète.
Laisse rôder l’âme de ton poète
Partout par là, champ ou bois, mont ou vau,
Comme tu veux et si je le souhaite.
Je suis pareil à la grande Sappho.
 
Je presse alors tout ton corps goulûment,
Toute ta chair contre mon corps d’athlète
Qui se bande et s’amollit par moment,
Heureux du triomphe et de la défaite
En ce conflit du cœur et de la tête.
Pour la stérile étreinte où le cerveau
Vient faire enfin la nature complète
Je suis pareil à la grande Sappho.
 

Envoi

 
Prince ou princesse, honnête ou malhonnête,
Qui qu’en grogne et quel que soit son niveau,
Trop su poète ou divin proxénète,
Je suis pareil à la grande Sappho.

Parallèlement (1889).

#ÉcrivainsFrançais

Otras obras de Paul Verlaine...



Arriba