Paul Valéry

César

César, calme César, le pied sur toute chose,
Les poings durs dans la barbe, et l’oeil sombre peuplé
D’aigles et des combats du couchant contemplé,
Ton coeur s’enfle, et se sent toute-puissante Cause.
 
Le lac en vain palpite et lèche son lit rose ;
En vain d’or précieux brille le jeune blé ;
Tu durcis dans les noeuds de ton corps rassemblé
L’ordre, qui doit enfin fendre ta bouche close.
 
L’ample monde, au delà de l’immense horizon,
L’Empire attend l’éclair, le décret, le tison
Qui changeront le soir en furieuse aurore.
 
Heureux là-bas sur l’onde, et bercé du hasard,
Un pêcheur indolent qui flotte et chante, ignore
Quelle foudre s’amasse au centre de César.
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