Paul Claudel

L’aube de juin

 
Le dernier rêve s’est enfui,
Une lune sans couleur
Trépasse au fond de la nuit.
Qu’ai-je fait de la douleur ?
Le jour nouveau, il a lui !
Vite, levons-nous sans bruit !
Quelle est cette divine odeur ?
Le dernier rossignol s’est tu
Turlututu !
Il est cinq heures du matin.
Un ange chante en latin.
Juin pendant que je dormais
S’est mis à la place de mai.
C’est lui qui vient de m’octroyer
Cette rose de pleurs noyée.
La terre a reçu le baptême.
Bonjour, mon beau soleil, je t’aime !
Un peu mouillé mais tout neuf,
Le voici qui sort de son œuf,
Rouge comme un coquelicot.
Cocorico !
Tant de gaîté, tant de rire,
La caille qui tirelire,
Le bœuf et le gros cheval
Qu’on mène chez le maréchal,
Comme un enfant à mon cou
Le baiser du vent sur ma joue,
Tant de clarté, tant de mystère,
Tant de beauté sur la terre,
Tant de gloire dans les cieux,
Que plein de larmes le vieux
Poète reste à quia
Alléluia !
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