Maurice Rollinat

Paysage gris

                     Sonnet.
 
 
Déjà cette prairie en commençant l’hiver
Étendait son tapis d’herbe courte et fripée,
Elle languit encor, de plus en plus râpée,
D’un gris toujours plus pâle et moins mêlé de vert.
 
Et pourtant, il y vient, poussant leur douce plainte,
Dressant l’oreille au vent qu’ils semblent écouter,
Quelques pauvres moutons qui tâchent de brouter
Ce regain des frimas dont leur laine a la teinte.
 
Mais le vivre est mauvais, le temps long, le ciel froid ;
À la file ils s’en vont, l’œil fixe et le cou droit,
Côtoyer la rivière épaisse qui clapote,
 
S’arrêtant, quand ils sont rappelés, tout à coup,
Par la vieille, là-bas, contre un arbre, debout,
Comme un fantôme noir dans sa grande capote.

Paysages et paysans (1899)

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