Maurice Rollinat

La plaine

   Cette plaine sans un chemin
   Figure au fond de la vallée
   La solitude immaculée
   Vierge de tout passage humain.
 
   Presque nue, elle a du mystère,
   Une étrangeté qui provient
   De ses teintes d’aspect ancien
   Et de son grand silence austère.
 
   Une brise lourde, parfois,
   Y laissant sa longue traînée,
   Elle exhale l’odeur fanée
   Des vieux vergers et des vieux bois.
 
   L’effilé, le cataleptique
   De ses arbrisseaux, les vapeurs
   De son marécage en torpeur
   Lui donnent comme un air mystique.
 
   Dans le jour si pur qui trépasse,
   Entre ses horizons pieux,
   Elle est pour le cœur et les yeux
   Un sanctuaire de l’espace.
 
   Sous ces rameaux dormants et grêles
   On rêve d’évocations,
   De saintes apparitions,
   De rencontres surnaturelles.
 
   C’est pourquoi, deux légers oiseaux
S’étant à l’improviste envolé des roseaux
Et s’élevant tout droit vers la voûte éthérée,
 
   À mesure que leur point noir
Monte, se perd, s’efface... on s’imagine voir
Deux âmes regagnant leur demeure sacrée.

Paysages et paysans (1899)

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