Ma sœur, il ne faut me blâmer
Si ma tristesse est sans colère :
Je ne peux me sauver d’aimer,
Et celui qui m’aima ne doit plus me déplaire.
Laissez d’un retour imprévu,
Laissez-moi goûter tous les charmes.
Hélas ! j’ai retrouvé des larmes ;
Mais je l’ai vu !
Si vous saviez quel doux transport
Se répand dans l’âme agitée,
Quand celui qui fit notre sort
Ranime, en s’y montrant, une fête attristée !
Que je l’aime ! il est revenu.
Je ne sens plus sa froide absence ;
Lui n’a pas senti ma présence ;
Mais je l’ai vu !
Ma sœur, quel plaisir douloureux
Le bonheur perdu laisse encore !
Quel charme de revoir heureux
L’objet, l’unique objet qu’on pleure et qu’on adore !
Ce sourire si bien connu
Nous rappelle tant d’espérance !
Il réveille aussi la souffrance ;
Mais je l’ai vu !
Peut-être est-il quelques beaux jours
Cachés dans ma mélancolie ;
Peut-être il sait aimer toujours ;
Et moi, je ne saurai jamais comme on oublie ;
Enfin, si d’un trait plus aigu
L’insensé frappait ma tendresse,
Pleurez sur sa faible maîtresse...
Mais je l’ai vu !