Louise Colet

Hécatombe.

La gloire de l’artiste est un feu qui consume ;
A son foyer brûlant le flambeau qui s’allume
Brille d’un vif éclat, mais tombe avant le soir :
Il meurt, comme l’encens s’éteint dans l’encensoir,
Après que sur l’autel sa vapeur virginale
Vers Dieu s’est élevée en suave spirale.
 
On dirait qu’ici-bas l’homme prédestiné
Veut retourner au ciel pour lequel il est né,
Et que toute âme ardente, avide d’harmonies,
Aspire à s’exhaler aux sphères infinies :
Mozart, Hérold, ainsi par la mort sont fauchés,
Des phalanges d’en haut séraphins détachés,
Vous glissez parmi nous ; vous nous faites entendre
Des chants qu’à votre voix un ange dut apprendre :
Puis, lassés de l’exil vous remontez vers Dieu :
Hier ainsi loin de nous s’envola Boieldieu ;
Et, tandis que nos pleurs mouillaient encore sa cendre,
Dans le cercueil un autre était près de descendre :
La mort, comme un vieillard dont le sort est fini,
Beau, jeune et triomphant a frappé Bellini :
Et peut-être déjà creuse-t-elle la tombe
D’un génie, en naissant, promis à l’hécatombe !

Fleurs du midi (1836)

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