Louise Ackermann

In memoriam (I)

J’aime à changer de cieux, de climat, de lumière.
Oiseau d’une saison, je fuis avec l’été,
Et mon vol inconstant va du rivage austère
               Au rivage enchanté.
 
Mais qu’à jamais le vent bien loin du bord m’emporte
Où j’ai dans d’autres temps suivi des pas chéris,
Et qu’aujourd’hui déjà ma félicité morte
               Jonche de ses débris !
 
Combien ce lieu m’a plu ! non pas que j’eusse encore
Vu le ciel y briller sous un soleil pâli ;
L’amour qui dans mon âme enfin venait d’éclore
               L’avait seul embelli.
 
Hélas ! avec l’amour ont disparu ses charmes ;
Et sous ces grands sapins, au bord des lacs brumeux,
Je verrais se lever comme un fantôme en larmes
               L’ombre des jours heureux.
 
Oui, pour moi tout est plein sur cette froide plage
De la présence chère et du regard aimé,
Plein de la voix connue et de la douce image
               Dont j’eus le cœur charmé.
 
Comment pourrais-je encor, désolée et pieuse,
Par les mêmes sentiers traîner ce cœur meurtri,
Seule où nous étions deux, triste où j’étais joyeuse,
               Pleurante où j’ai souri ?
 
                               Painswick, Glocestershire, août 1850.

Contes et poésies (1863)

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