On a congé parfois dans ce Paris étrange,
Et l’on peut oublier le bruit, brouillard et fange,
L’incessant tourbillon, le travail, les efforts.
C’est quand on est malade et chez soi seul ; alors
Il faut, bon gré, malgré, songer à se refaire
Du bon sang. On relit le livre qu’on préfère,
On flâne ; puisqu’on est malade, c’est permis.
On reçoit par moments des visites d’amis,
Gens qui se portant bien ressortent au plus vite
Avec ces mots banals : « Très pressé, je vous quitte ! »
Et l’on se fait l’effet, tout malade pourtant,
Tant ils semblent fiévreux, d’être soi bien portant,
Heureux, en les voyant replonger dans la foule,
D’être hors du torrent furieux qui les roule !
Pour moi, quand je fais halte ainsi, trop fatigué,
Je songe à la Provence, heureux sinon bien gai ;
Je revois tout : la mer, les pins sur la falaise ;
J’y suis, quoique cloué près du feu, sur ma chaise.
Alors, dans mon esprit, sans effort, sans travail,
Bois, mer, ciel, tout revient nettement, en détail ;
Sous des arbres amis je fais de longues poses...
C’est la fièvre qui fait revoir si bien les choses.
J’hésite quelque temps sur le choix d’un chemin ;
Je porte un gros bouquet sauvage dans ma main,
Et j’en pourrais décrire et nommer chaque plante.
C’est un même tableau quelquefois qui me hante.
Tel aujourd’hui j’ai vu mon chien obstinément :
Accroupi comme un sphinx, de son grand œil aimant
Il sondait, attentif, rêveur comme son maître,
La route par laquelle il m’a vu disparaître.