Jacques Delille

À M. De C***., Polonais

Dans votre poétique et doux pèlerinage,
Au tombeau glorieux du chantre des Romains,
   Objet sacré de plus d’un grand voyage
Des enfants d’Albion, des Français, des Germains
Vous n’avez donc pas fait une course inutile !
Ornement éternel du tombeau de Virgile,
Cette feuille sacrée est tombée en vos mains ;
   Vous méritiez de l’avoir en partage,
Vous qui savez chérir son sublime langage.
Cet arbre le plus vieux, le plus beau des lauriers
Qu’épargna la tempête et que respecte l’âge,
Depuis qu’il reverdit, jamais si volontiers
   À l’étranger ne céda son feuillage,
Qu’au poète envieraient les plus fameux guerriers.
Des voyageurs obscurs la main lui fait outrage,
Leur larcin est un vol, le vôtre est un hommage.
À ce poète aimable, et cher au monde entier,
   Mon cœur se plaît à vous associer.
   Pour vous louer, que n’ai-je son langage ?
L’un à l’autre jadis vous eussiez été chers ;
               Vous auriez admiré ses vers,
               Il eût chanté votre courage.
   Tant que des ans le cours l’épargnera,
   De ses honneurs conservez bien ce gage ;
Vous croirez voir en lui le noble témoignage
De l’admiration que Virgile inspira,
L’arbre qu’un vieux respect à son nom consacra,
Le mont qui l’embellit, le tombeau qui l’ombrage ;
Pour moi, ce cher débris m’inspire un vœu pour vous
C’est que de vos beaux jours si précieux pour nous,
Ce laurier immortel soit la fidèle image.

Poésies fugitives (1807)

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