Germain Nouveau

L’âme

Comme un exilé du vieux thème,
J’ai descendu ton escalier ;
Mais ce qu’a lié l’Amour même,
Le temps ne peut le délier.
 
Chaque soir quand ton corps se couche
Dans ton lit qui n’est plus à moi,
Tes lèvres sont loin de ma bouche ;
Cependant, je dors près de Toi.
 
Quand je sors de la vie humaine,
J’ai l’air d’être en réalité
Un monsieur seul qui se promène ;
Pourtant je marche à ton côté.
 
Ma vie à la tienne est tressée
Comme on tresse des fils soyeux,
Et je pense avec ta pensée,
Et je regarde avec tes yeux.
 
Quand je dis ou fais quelque chose,
Je te consulte, tout le temps ;
Car je sais, du moins, je suppose,
Que tu me vois, que tu m’entends.
 
Moi-même je vois tes yeux vastes,
J’entends ta lèvre au rire fin.
Et c’est parfois dans mes nuits chastes
Des conversations sans fin.
 
C’est une illusion sans doute,
Tout cela n’a jamais été ;
C’est cependant, Mignonne, écoute,
C’est cependant la vérité.
 
Du temps où nous étions ensemble,
N’ayant rien à nous refuser,
Docile à mon désir qui tremble,
Ne m’as-tu pas, dans un baiser,
 
Ne m’as-tu pas donné ton âme ?
Or le baiser s’est envolé,
Mais l’âme est toujours là, Madame ;
Soyez certaine que je l’ai.

"Valentines (1885)"

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