François-Marie Robert-Dutertre

Une mère.

Dors, blonde enfant à la bouche vermeille,
Dors au refrain de mes tendres chansons ;
Pour mieux te plaire et charmer ton oreille
Languissamment j’affaiblis mes doux sons.
 
Mais quand ta voix pourra dire : Ma mère !
Quand tu courras sur les gazons en fleur ;
Ces jours heureux, fille charmante et chère,
Me paieront tous mes soins et ma douleur.
 
                         Refrain
 
Mais, dors encore, dors encore, mon bel ange,
Dors au refrain de mon langoureux chant ;
     Que des esprits la céleste phalange
     Berce tes doux petits rêves d’enfant.
 
Quels sont ces chants, ces voiles et ces cierges,
Ces fronts penchés devant le roi des rois ?
Aux saints parvis. Ce sont de blanches vierges
       Communiant pour la première fois.
       De même, un jour, ô ma fille bénie,
   Je te verrai pure et blanche au saint lieu,
       Et de bonheur mon âme rajeunie
     Près des autels avec toi priera Dieu.
Mais, dors encore, dors encore, mon bel ange.
 
       Un jour, hélas ! modeste fiancée,
   Tu passeras aux bras d’un jeune époux.
     De ton amour, rien qu’à cette pensée,
       Je sens déjà mon cœur être jaloux.
       Mais au bonheur de ma fille adorée
       Sacrifiant mon amour maternel,
       J’irai bénir dans l’enceinte sacrée
   Ton doux hymen aux pieds de l’Éternel.
Mais, dors encore, dors encore, mon bel ange.

Les loisirs lyriques (1866)

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