François de Malherbe

Beauté de qui la grâce..

               (À la vicomtesse d’Auchy.)
 
                       1608.
 
 
Beauté de qui la grâce étonne la nature,
Il faut donc que je cède à l’injure du sort,
Que je vous abandonne, et loin de votre port
M’en aille au gré du vent suivre mon aventure.
 
Il n’est ennui si grand que celui que j’endure :
Et la seule raison qui m’empêche la mort,
C’est le doute que j’ai que ce dernier effort
Ne fût mal employé pour une âme si dure.
 
Caliste, où pensez-vous ? qu’avez-vous entrepris ?
Vous résoudrez-vous point à borner ce mépris,
Qui de ma patience indignement se joue ?
 
Mais, ô de mon erreur l’étrange nouveauté,
Je vous souhaite douce, et toutefois j’avoue
Que je dois mon salut à votre cruauté.

Poésies livre IV

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