Émile Verhaeren

Croquis de cloître (I)

Sonnet.
 
Dans un pesant repos d’après-midi vermeil,
Les stalles en vieux chêne éteint sont alignées,
Et le jour traversant les fenêtres ignées
Etale, au fond du choeur, des nattes de soleil.
 
Et les moines dans leurs coules toutes les mêmes,
—Mêmes plis sur leur manche et mêmes sur leur froc,
Même raideur et même attitude de roc -
Sont là debout, muets, plantés sur deux rangs blêmes.
 
Et l’on s’attend à voir leurs gestes arrêtés
Se prolonger soudain et les versets chantés
Rompre, à tonnantes voix, ces silences qui pèsent ;
 
Mais rien ne bouge, au long du sombre mur qui fuit,
Et les heures s’en vont, par le couvent, sans bruit,
Et toujours et toujours les grands moines se taisent.

Les moines (1886)

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