Louisa Siefert

Page blanche

Qu’écrire ? Vierge encor la page est sous mes doigts,
Prête à tout elle attend mon caprice.—Autrefois
La chantante élégie en mon cœur murmurée,
Source qui débordait de la vasque nacrée,
S’épanchait d’elle-même en vers doux & naïfs.
Les doutes, les soupçons, les aveux, flots furtifs
Qui jasent & s’en vont aux pentes inconnues,
S’échappaient nuit & jour en strophes ingénues ;
Le rêve, interrompu la veille, reprenait,
L’accent, confus d’abord, se répétait plus net,
Une larme coulait d’un sourire effacée ;
L’espérance passait légère, & ma pensée
S’égarait aux détours charmants du souvenir.
Maintenant, je n’ai plus de pleurs à retenir,
Plus de folle espérance à qui couper les ailes,
Plus d’angoisses traînant la colère après elles,
Plus d’effroi, de souci, d’amertume, plus rien !
Autrefois, les accords du grand musicien
Amour faisaient vibrer les cordes de mon âme ;
Maintenant, le foyer triste n’a plus de flamme,
Le musicien meurt, & l’instrument forcé
Ne rend plus qu’un son mat quand chante le passé.
 
 
Août 18...

"Rayons perdus" (1868)

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