Enfant, sa jeune âme a des ailes,
À des ailes de papillon :
Tantôt errant sur un sillon
Et rasant les moissons nouvelles,
Tantôt empressée à s’asseoir,
Rêveuse, au sein des églantines,
Ou, sous les blanches aubépines,
Respirant les parfums du soir.
Jeune homme, à ses ailes accrues
Il se fie, ainsi qu’un aiglon,
Qui, dédaignant l’humble vallon,
Bâtit son aire dans les nues :
Son œil va fixer l’astre Dieu,
Dont un rayon donne la vie ;
Et la flamme, au soleil ravie,
Lui trace une route de feu.
Quand les réalités sévères,
Plus tard, apportant la douleur,
L’une après l’autre de son cœur
Arrachent les douces chimères,
L’âme du poète attristé
S’abat, pareille à la tempête,
Et poursuit d’une aile inquiète
Un avenir désenchanté.
Bientôt il trouve la vieillesse :
C’est en vain qu’il s’est efforcé
De soustraire son front glacé
A la main du Temps qui le presse
Alcyon flottant sur l’écueil,
Il appelle son âme errante,
Ouvre encore une aile, mourante...
Et va tomber dans un cercueil !
Là seulement, pour le génie,
Commence la postérité :
Radieux d’immortalité,
Ressaisis ta gloire ternie,
Poète !... on t’abreuva de fiel,
Ton lit de mort fut solitaire,
Mais ton dernier pas sur la terre
Est ton premier pas vers le ciel !