Antoine de Latour

Dans le ciel clair

Dans le ciel clair rayé par l’hirondelle alerte,
Le matin qui fleurit comme un divin rosier
Parfume la feuillée étincelante et verte
Où les nids amoureux, palpitants, l’aile ouverte,
A la cime des bois chantent à plein gosier
Le matin qui fleurit comme un divin rosier
Dans le ciel clair rayé par l’hirondelle alerte.
 
En grêles notes d’or, sur les graviers polis,
Les eaux vives, filtrant et pleuvant goutte à goutte,
Caressent du baiser de leur léger roulis
La bruyère et le thym, les glaïeuls et les lys ;
Et le jeune chevreuil, que l’aube éveille, écoute
Les eaux vives filtrant et pleuvant goutte à goutte
En grêles notes d’or sur les graviers polis.
 
Le long des frais buissons où rit le vent sonore,
Par le sentier qui fuit vers le lointain charmant
Où la molle vapeur bleuit et s’évapore,
Tous deux, sous la lumière humide de l’aurore,
S’en vont entrelacés et passent lentement
Par le sentier qui fuit vers le lointain charmant,
Le long des frais buissons où rit le vent sonore.
 
La volupté d’aimer clôt à demi leurs yeux,
Ils ne savent plus rien du vol de l’heure brève,
Le charme et la beauté de la terre et des cieux
Leur rendent éternel l’instant délicieux,
Et, dans l’enchantement de ce rêve d’un rêve,
Ils ne savent plus rien du vol de l’heure brève,
La volupté d’aimer clôt à demi leurs yeux.
 
Dans le ciel clair rayé par l’hirondelle alerte
L’aube fleurit toujours comme un divin rosier ;
Mais eux, sous la feuillée étincelante et verte,
N’entendront plus, un jour, les doux nids, l’aile ouverte,
Jusqu’au fond de leur cœur chanter à plein gosier
Le matin qui fleurit comme un divin rosier
Dans le ciel clair rayé par l’hirondelle alerte.

Poèmes tragiques (1895)

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