Anna de Noailles Sauter

L’inquiet désir

Voici l’été encor, la chaleur, la clarté,
La renaissance simple et paisible des plantes,
Les matins vifs, les tièdes nuits, les journées lentes,
La joie et le tourment dans l’âme rapportés.
 
—Voici le temps de rêve et de douce folie
Où le cœur, que l’odeur du jour vient enivrer,
Se livre au tendre ennui de toujours espérer
L’éclosion soudaine et bonne de la vie,
 
Le cœur monte et s’ébat dans l’air mol et fleuri.
—Mon cœur, qu’attendez-vous de la chaude journée,
Est-ce le clair réveil de l’enfance étonnée
Qui regarde, s’élance, ouvre les mains et rit ?
 
Est-ce l’essor naïf et bondissant des rêves
Qui se blessaient aux chocs de leur emportement,
Est-ce le goût du temps passé, du temps clément,
Où l’âme sans effort sentait monter sa sève ?
 
—Ah ! mon cœur, vous n’aurez plus jamais d’autre bien
Que d’espérer l’Amour et les jeux qui l’escortent,
Et vous savez pourtant le mal que vous apporte
Ce dieu tout irrité des combats dont il vient...

Le cœur innombrable (1901)

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