André Breton

Frôleuse

Mes malles n’ont plus de poids les étiquettes sont des
 
lueurs courant sur une mare
Sera-ce assez que tout pour cette contrée où mène
 
bien après sa mise au rebut la diligence de nuit
Toute en cristal noir le long des meules tournant
 
de cailles
 
Château qui tremble et j’en jure que vient de poser
 
devant moi un éclair
Lieu frustré de tout ce qui pourrait le rendre habitable
Je ne vois qu’étroits couloirs enchevêtrés
Escaliers à vis
 
Seulement au haut de la tour de guet Éclate l’air taillé en rose
Bannie superstitieusement la place primitive d’une
 
brassée de joncs pour s’étendre
L’architecte fou de ce qui restait d’espace libre
Semble avoir rêvé un garage pour mille tables rondes
A chacune d’elles sont présumés souper au caviar
 
au
Champagne
Avec moi des bustes de cire plus beaux les uns que
 
les autres mais parmi eux méconnaissable s’est
 
glissé un buste vivant
 
Bustes car il n’y a qu’une nappe à reflets changeants
 
pour toutes les tables
Assez lacunaire pour emprisonner la taille de toutes
 
ces femmes fausses et vraies
Tout ce qui est ou manque d’être au-dessous de la
 
nappe se dérobe dans la musique
Oracle attendu de la navette d’un soulier
Plus brillant qu’un poisson jeté dans l’herbe
Ou d’un mollet qui fait un bouquet des lampes de
 
mineur
Ou du genou qui lance un volant dans mon cœur
Ou d’une bouche qui penche qui penche à verser
 
son parfum
Ou d’une main d’abord un peu en marge à l’instant
 
même où il apparaît qu’elle n’évite pas un rapport
 
d’ailes avec ma main 0 ménisques
 
Au-delà de tous les présents permis et défendus
A dos d’éléphants ces piliers qui s’amincissent jusqu’au fil de soie dans les grottes
Ménisques adorable rideau de tangence quand la
 
vie n’est plus qu’une aigrette qui boit
Et dis-toi qu’aussi bien je ne te verrai plus
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