Alphonse Beauregard

Réflexe.

Toi, Mal, dont l’homme a fait son fardeau périlleux
Pour ne pas condamner l’ouvrage de ses Dieux,
Si tu n’allumais pas les convoitises rouges
Dans les mille regards qui sur les choses bougent ;
Si tu n’assaillais pas la lande et la cité,
Hérissé d’égoïsme et de fatalité,
Comment l’homme irait-il, aveugle, sans indice,
Par-delà la nature adorer la justice ?
 
Toi, Souffrance, qui prends l’être insensible et lourd
De son sommeil dans le néant depuis toujours,
Le mords, ouvres ses yeux, exploses dans son âme
Et libères l’idée au contact de la flamme,
Sans toi comment sentir le frisson souverain
D’être une conscience en l’éternel dessein ?
 
Toi, Mal, qui t’assouvis en créant la souffrance,
Toi, Souffrance, où le mal médite et se condense,
Par vous l’humanité, loin du repos charmeur,
Dépasse son désir d’un ciel inférieur
Et s’élève, parmi les éclairs et la cendre,
Jusqu’à la dignité suprême de comprendre.

Les alternances (1921)

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