Albert Mérat

Ton front

Ton front est le foyer où mon âme rayonne,
Le ciel de la pensée où palpite et frissonne
Mon rêve, oiseau chanteur aux longues ailes d’or.
C’est l’oreiller charmant où ma langueur s’endort,
Où mon courage las de vivre se réveille.
Au bout de mon chemin c’est la lueur vermeille
Qui guide mon esprit et qui guide mes pas.
 
L’artiste qui le fit prit un juste compas
Pour mesurer la courbe exquise de ses lignes.
Hormis dans le contour quelques rondeurs malignes
Qui ne sont point d’Athène, et sentent leur Paris,
C’est un front de Vénus suprêmement compris :
Très-blanc, à peine rose, un peu bas ; étroit, juste
Comme le veut des Grecs la statuaire auguste.
La ligne de profil tombe droit sur le nez.
De bleus filets de sang, finement dessinés,
Relèvent des tons blancs la gomme monotone.
 
Tout front jeune et royal a reçu pour couronne
Et pour nimbe l’amas flottant et sans pareil
De tes cheveux poudrés de rayons de soleil.

Le livre de l’amie (1866)

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