Albert Mérat

L’heure

C’est l’heure : je sais bien qu’elle ne viendra pas,
Qu’elle n’a pas noué la furtive dentelle,
Et que mon désir vain ne dira pas : c’est elle,
Devinant la musique exquise de ses pas.
 
Je sais que les doux mots qu’avait sa voix tout bas
Ne sont qu’un souvenir d’une langueur mortelle,
Et que j’ai perdu l’aide et la chère tutelle
De sa bouche, de ses regards et de ses bras.
 
Ô fantôme ! clémente amertume de l’heure !
Le passé de son aile invisible m’effleure,
Et dans l’illusion évoque le réel.
 
La blanche image à pris sa place accoutumée ;
Le mot court en riant sur la lèvre embaumée ;
Les yeux profonds et clairs s’ouvrent comme le ciel.

Les souvenirs (1872)

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