Victor Hugo

Quia pulvis es

               Ceux-ci partent, ceux-là demeurent.
Sous le sombre aquilon, dont les mille voix pleurent,
Poussière et genre humain, tout s’envole à la fois.
Hélas ! le même vent souffle, en l’ombre où nous sommes,
               Sur toutes les têtes des hommes,
               Sur toutes les feuilles des bois.
 
               Ceux qui restent à ceux qui passent
Disent :—Infortunés ! déjà vos fronts s’effacent.
Quoi ! vous n’entendrez plus la parole et le bruit !
Quoi ! vous ne verrez plus ni le ciel ni les arbres !
               Vous allez dormir sous les marbres !
               Vous aller tomber dans la nuit !—
 
               Ceux qui passent à ceux qui restent
Disent :—Vous n’avez rien à vous ! vos pleurs l’attestent !
Pour vous, gloire et bonheur sont des mots décevants,
Dieu donne aux morts les biens réels, les vrais royaumes.
               Vivants ! vous êtes des fantômes ;
               C’est nous qui sommes les vivants !—
 
Février 1843.

Les contemplations (1856)

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