Victor Hugo

Oui, duc, nous sommes beaux

Oui, duc, nous sommes beaux, et nous avons l’amour
Dans les yeux, et l’esprit sur le front ! Un beau jour,
Car il faut bien que tout, même le mal, finisse,
Bref, après avoir eu la fièvre et la jaunisse,
Après avoir aimé fort peu, beaucoup haï,
Après avoir menti, trompé, triché, trahi,
Fait rage ; après un tas de choses mal agies,
Nuits au tripot, brelans, lansquenets, tabagies,
Nous crevons. Vils faquins que l’orgueil étouffait !
Et nous ne savons plus ce que nous avons fait
De notre âme, l’ayant derrière nous semée
Au hasard, dans cette ombre et dans cette fumée.
L’homme, fausse monnaie, écu sinistre et noir,
Et que Satan changeur souvent cloue au comptoir,
Sequin que la mort garde en paiement de l’orgie,
Est du néant que Dieu marque à son effigie.

Toute la lyre (1888 et 1893)

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